...L'écriture est un moyen de communication qui représente le langage à travers l'inscription de signes sur des supports variés. ... Ainsi, l'écriture a joué un rôle dans la conservation de l'Histoire, la diffusion de la connaissance et la mémorisation. La sainte Bible, c'est la conservation des écrits (même si des modifications ont été opérées)...
à observer attentivement les liens qu'entretient la France et ses colonies, on peut légitimement se demander si la
CONTROVERSE DE VALLADOLID n'est pas d'actualité chez la classe dirigeante Française.
De quoi s'agit-il ?
Voilà le résumé d' Éliane Choffray sur cette CONTROVERSE.
En 1550, soixante ans après la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, le roi d’Espagne, Charles-Quint, convoque une controverse dans un couvent de Valladolid. Une question fondamentale va être débattue : les Indiens du Nouveau-Monde sont-ils des hommes comme les autres ? En conséquence, méritent-ils d’être traités comme des humains ou sont-ils nés pour être soumis ? La décision mettra fin au débat et sera irrévocable. En présence d'un légat du pape, le cardinal Roncieri, d'un représentant de Charles-Quint et devant une assemblée attentive, le chanoine Sepulveda et le dominicain Las Casas s’opposent parfois violemment. Pour Sepulveda, il existe dans le monde des sous catégories d’humains, faites pour être dominées, les Indiens sont nés pour être des esclaves ; pour Las Casas, les Indiens sont des hommes, « nos frères », créatures de Dieu. Interviennent aussi des colons qui insistent sur les conséquences économiques de la décision. L'issue de cette controverse en forme de procès sera marquée par un coup de théâtre qui aura des conséquences sur le sort de plusieurs millions d'individus...
L'IDENTITÉ DES INDIENS
En 1492, les Espagnols découvrent les Indes et ses habitants, ce qui ébranle l’Europe entière. Qui sont ces individus ? Rapidement, une réponse s’impose : «[Ils] ont pour vocation l’obéissance.» Dès lors, la colonisation, ainsi que le massacre et l’asservissement du peuple indien sont en marche. Toutefois, vers 1550, un problème surgit : la population indigène, donc la main-d’œuvre, diminue. Aussi l’empereur Charles Quint (1500-1558) commence-t-il à douter du traitement qui leur est réservé. Il demande alors qu’on détermine définitivement leur identité afin de juger du bien-fondé de leur esclavage. Pour ce faire, il organise un débat dans un couvent à Valladolid auquel participent le philosophe Ginès de Sépulvéda (théologien espagnol, 1490-1573) et le dominicain Bartolomé de Las Casas (1474-1566). Le premier a publié à Rome un ouvrage intitulé Des justes causes de la guerre, dans lequel il approuve les combats menés aux Indes. Il souhaite diffuser son livre en Espagne, mais le clergé s’y oppose. Le second a passé la majorité de sa vie à lutter contre la tyrannie et l’injustice envers les indigènes. Les deux hommes savent que le débat dépasse la question de la publication du livre et qu’il sera capital pour l’avenir du peuple indien. C’est au cardinal Salvatore Roncieri, représentant du pape, que reviendra la lourde tâche de prendre la décision finale.
LE POINT DE VUE DE LAS CASAS
Sépulvéda, Las Casas, ainsi qu’une quarantaine de participants saluent, dans une salle du couvent, l’entrée du légat du pape. Celui-ci accorde en premier lieu la parole à Las Casas, qui ne mâche pas ses mots : les Espagnols, assoiffés d’or, ont massacré, au nom du Christ, les Indiens par milliers. Le dominicain décrit les conditions de travail des indigènes dans les mines et raconte avec moult détails les horreurs dont il a été témoin. Il ne veut rien omettre des crimes perpétrés à l’encontre des Indiens, évoquant même le cannibalisme des Espagnols à leur égard. Il décrit ensuite les habitants du Nouveau Monde comme étant beaux, doux, pacifiques, accueillants, intelligents et capables d’éprouver des sentiments chrétiens, bien qu’ils refusent de se convertir : «Que peuvent-ils penser d’un Dieu que les chrétiens, les chrétiens qui les exterminent, tiennent pour juste et bon ?» Las Casas loue également la beauté de l’art indien et dresse la liste des nombreuses similitudes entre indigènes et Européens. Mais un coup de théâtre se produit lorsque son rival fait amener une idole indienne en pierre sculptée afin de prouver que les Indiens n’ont aucune idée du beau. L’assemblée est unanime : c’est hideux.
LA RÉPLIQUE DE SÉPULVÉDA
Le lendemain, Sépulvéda attaque son adversaire sur son parcours personnel, insinuant qu’il ment, puis avance son premier argument : si les indigènes sont comme des brebis, ils ne sont pas des hommes puisque l’homme n’est pas doux. Le Christ a en effet précisé qu’il n’était «pas venu apporter la paix, mais l’épée» . En outre, si Dieu n’avait pas désiré les guerres indiennes, il ne les aurait pas tolérées. Les Indiens sont donc punis par la volonté divine. Il rappelle par ailleurs que tous les êtres humains sont prédestinés à être chrétiens, or on n’a trouvé aucune trace des Évangiles chez les indigènes, ce qui signifie qu’«il ne s’agit pas de créatures reconnues par Dieu» . Sépulvéda évoque ensuite la barbarie de ces nouveaux peuples, qui s’adonnent au sacrifice humain. La guerre trouve alors une nouvelle justification puisqu’elle vise à protéger des innocents de pratiques inacceptables. Par ailleurs, le philosophe concède que les Indiens ont une âme, mais une âme de moindre qualité que celle des Européens. En fait, ils sont esclaves par nature, ce dont l’orateur fournit plusieurs preuves : ils sont incapables de créer et se contentent d’imiter, ils portent leurs fardeaux sur le dos comme les bêtes, ils ne connaissent ni l’argent ni les armes, ils ignorent l’art, etc. D’après lui, puisque la population du Nouveau Monde est vouée à la servitude, la parole de Dieu ne s’adresse pas à elle et pourrait même lui nuire. Par conséquent, il est nécessaire d’accélérer la soumission des Indiens afin de leur offrir une stabilité. Le soir, un incident éclate au couvent. Deux Espagnols fraichement débarqués des Indes afin d’assister à la controverse dans l’anonymat sont découverts. Ils expliquent au légat qu’ils s’inquiètent pour leurs revenus car la situation outre-Atlantique est difficile. Ils sont autorisés à assister à la dispute.
DES EXPÉRIENCES INHUMAINES
Le lendemain, à la surprise générale, le légat annonce avoir fait venir des Indes quatre autochtones, un homme et un couple avec un enfant, afin des examiner pour mieux juger de leur appartenance à l’humanité. Physiquement, ils sont semblables aux Européens ; il s’agit donc de s’interroger quant à leurs pensées et leurs sentiments. Sous les ordres du légat, on se livre à des expériences sur le groupe d’Indiens. Tout d’abord, un moine se met à démolir l’idole sculptée. Immédiatement, un des indigènes fait un mouvement pour intervenir, mais il est retenu par sa femme. Las Casas en déduit qu’ils sont capables de réfléchir à leurs actions. Ensuite, les deux colons s’emparent de l’enfant et le menacent de mort, ce qui provoque l’affolement et les cris des parents. Cette cruelle expérience prouve ainsi que les habitants du Nouveau Monde éprouvent des sentiments humains. Après le repas de midi, le légat fait entrer des bouffons afin de vérifier si les Indiens ont la capacité de rire, le rire étant le propre de l’homme. Les pitres jouent une scène comique qui ne déride pourtant pas les indigènes. Une violente dispute éclate alors à ce sujet entre Las Casas et le philosophe, et les deux hommes en viennent aux mains. Le légat, souhaitant s’interposer, trébuche et tombe, déclenchant l’hilarité des Indiens
LE VERDICT
Le débat touchant à sa fin, le cardinal convie chacun des deux protagonistes à résumer leur réquisitoire. Aussi un des deux colons s’exprime-t-il sur les problèmes économiques qu’engendrerait l’abolition de l’esclavage des Indiens. Le légat se retire ensuite et, quelque temps plus tard, transmet son verdict. L’Église a tranché : «Les habitants des terres nouvelles […] sont bien nés d’Adam et d’Ève, comme nous. Ils jouissent comme nous d’un esprit et d’une âme immortelle […]. Ils doivent être traités avec la plus grande humanité et justice […].» Quant au livre de Sépulvéda, il est interdit de publication.
Enfin, un dernier rebondissement marque la controverse : les noirs d’Afrique, qui sont considérés comme plus proches des animaux, seront envoyés comme esclaves aux Indes pour remplacer les indigènes.
Document rédigé par Éliane Choffray maitre en langues et littératures françaises et romanes (Université de Liège)
"La crise ivoirienne nous aura appris que la ligne droite n'est pas le plus court chemin pour aller d'un point A à un point B..."
Propos d'un patriote.