2ème PARTIE – BINGERVILLE (2ème capitale)
Qu’en est-il de Bingerville où l’on doit créer de toutes pièces une capitale administrative ? C’est une capitale mort-née.
Ironie du sort, on a confondu l’Adjamé-Santey proposé par le capitaine Houdaille – qui est celui des Ebrié Bidjan – avec l’Adjamé-Santey des Ebrié Akoué ; le premier est celui aux abords duquel doit partir le rail dans la colonie ; le second offre les mêmes avantages de site avec une altitude supérieure de 30 à 40 mètres. Puisque l’Administration quittait Grand-Bassam pour être dans un site plus aéré, il a fallu faire bon cœur contre mauvaise fortune.
Et en plus, lorsque le chemin de fer destiné à drainer de l’intérieur toutes les richesses de la colonie, sera achevé, une autre agglomération deviendra prépondérante, plus en rapport avec les préoccupations du milieu européen. Pourquoi donc aller s’établir dans une ville faite pour l’Administration ? Seuls donc iront à Bingerville les fonctionnaires et les agents de l’Etat attachés au gouvernement local. Aussi en 1900, quand commence la construction de la capitale administrative, personne ne croit au caractère définitif d’un transfert décidé malgré les avis des commerçants.
D’ailleurs la région est mal contrôlée et les Ebrié encore insoumis. Sa richesse est l’huile de palme mais, en 1900-1913, c’est l’exploitation du caoutchouc qui fait prime.
Le Palais du gouverneur mettre sept ans pour être achevé. C’est de l’architecture coloniale de style Nouvelle-Orléans.
Lorsque l’Administration choisit le site, il est déjà occupé par des villages ébrié ; principalement ceux du goto (tribu ébrié) akoué. Ce sont les villages de Santey et Adjamé.
Pour éviter des heurts inutiles, les habitants de Santey et Adjamé quittent le site pour s’installer, les uns, plus près de la lagune vers Abidjan ; les autres plus à l’intérieur des terres ; d’autres encore, sous la conduite de Assimi Alou, plus à l’est sur la route de Bregho.
Les habitants de deux villages se révoltent. Ce sont les habitants d’Akouédo-Akoué et Mbadon en 1904. Jusqu’en mars 1905, l’insécurité règne aux portes même de la capitale de la Côte-d’Ivoire. Un mois de conquête systématique, et c’en est fait de la résistance armée des Ebrié-Akoué. Dès 1900-1912, en bordure de la lagune, se constitue lentement un nouveau village. C’est Gbagba, le village des Alladian, Apollonien, Abouré, Agni, Sénégalais, Nago… : domestiques, planteurs, piroguiers, petits marchands, artisans, etc.
De 680 habitants en 1901, elle passe à 824 en 1910 et 1215 habitants en 1917, le maximum de population jusqu’en 1939. Bingerville reste une excroissance que l’on pense sans lendemain.
Sous Gabriel Angoulvant, dont les préoccupations sont autres que celles de ses prédécesseurs, l’idée de maintenir Bingerville définitivement comme capitale administrative est la ligne officielle. Elle est soutenue par Barthe, l’agent général de la CFAO, qui, contre ses autres collègues installés à Grand-Bassam, croit davantage en l’avenir d’Abidjan qu’en celui de Grand-Bassam.
Gabriel Angoulvant s’évertue à embellir sa « capitale » et la rendre attrayante aux Européens. On débroussaille, on met l’éclairage public, construction d’une usine de captage et on dote Bingerville d’un système d’adduction d’eau. Construction d’une route de 27 kilomètres, qui la relie à Abidjan. Sans l’avoir voulu, il vient de créer la voie qui fera de Bingerville un faubourg d’Abidjan.
La polémique sur la question du transfert de la capitale rebondit. Les maisons de commerce, qui commencent à s’établir en même temps à Abidjan où elles font un chiffre d’affaire de plus en plus important, pèsent de tout leurs poids.
Le 20 décembre 1920, par délibération du conseil local de Gouvernement, le principe d’un nouveau transfert de capitale est adopté. Il se fera de Bingerville à Abidjan.
Que faire alors de Bingerville ? Un sursis de14 ans (1920-1934), le temps que soient achevés les principaux édifices publics symbolisant le nouveau pouvoir d’Abidjan, capitale de la colonie. Bingerville est la capitale provisoire de la Côte-d’Ivoire. C’est un provisoire qui aura duré 34 ans. Cette période aura laissé des traces, même si le palais des gouverneurs, inauguré en grande pompe par Gabriel Angoulvant en 1913, reste vide de 1934 à 1939, le temps de le reconvertir en orphelinat des métis…
(photo : hôtel du gouvernement devenu foyer des orphelins).
LES CAPITALES DE CÔTE-D'IVOIRE : GRAND-BASSAM – BINGERVILLE – ABIDJAN –
1ère PARTIE – GRAND-BASSAM ( 1ère capitale)
Chronologiquement, Grand-Bassam est le lieu de résidence du premier gouverneur de la Côte-d’Ivoire devenue colonie autonome en 1893. Louis Gustave Binger s’y installe, et avec lui les services du gouvernement. Pourquoi le choix de Grand-Bassam plutôt que celui d’Assinie, siège jusque-là de la Résidence ? Parce que Grand-Bassam est plus proche qu’Assinie de la zone de grande production d’huile de palme dans les années 1880-1890. Cela suffit pour faire de Grand-Bassam un lieu idéal pour implanter la capitale d’une jeune colonie à construire.
Les résultats son spectaculaires. Plusieurs firmes commerciales ouvrent ainsi des agences à Grand-Bassam dès 1894 (CFAO, King, CFK, etc. ; des banques coloniales arrivent : la Banque de l’Afrique de l’Ouest qui construit un bâtiment à étage en 1904, la Bank of Nigeria, plus tard, la Banque commerciale de l’Afrique, la Banque française de l’Afrique. Des entreprises de transport maritime s’implantent : Elder Dempter, chargeurs réunis.
C’est la ville européenne ou officielle. Peu après être devenue capitale de la Côte-d’Ivoire, Grand-Bassam connaît des malheurs. La fièvre jaune en 1898 comme elle l’avait fait en 1863, puis l’année suivante et, jusqu’en 1905, la terrible épidémie fait des ravages dans la population.
Les européens paient le tribut le plus lourd car leur quartier est encore insalubre et comporte de nombreux gîtes de moustiques, et aussi, parce qu’ils connaissent mal cette maladie.
Les épidémies de fièvre jaune décident les autorités à prendre des mesures strictes et à mieux aménager l’espace : la vaste zone marécageuse située à l’est de l’agglomération est comblée en 1903 ; la chaussée des rues qui avaient été tracées est recouverte de coquillages concassés ; et même, en 1908, quelques-unes sont bitumées.
La hantise de l’épidémie va faire fuir la population européenne et pousser le transfert de la capitale à Adjamé-Santey. La bataille du transfert durera jusqu’en 1929 jusqu’à ce que Port-Bouët ait été choisi pour la construction du nouveau wharf.
Le ministère tranche en 1900 : l’administration ira s’installer à Adjamé-Santey, lieu plus aéré. La colonie aura une capitale économique (Grand-Bassam) et une capitale administrative (Adjamé-Santey que l’on baptise Bingerville).
En 1929 encore, 49% des entreprises immatriculées en Côte-d’Ivoire ont leur siège à Grand-Bassam. « Voir Bassam et mourir » ; car c’est le temps de la splendeur.
En 1904, la population totale est estimée à 1 776 habitants (280 européens et 1496 Africains) si on ajoute à ce chiffre la population de Moosou, Efai (Petit-Paris) et Azuretti, on atteint 3 226 habitants.
En 1916, on estime la population à 2842 habitants (non compris les habitants de Moosou, Azuretti et Petit-Paris). Au lendemain de la guerre, entre 1916 et 1921, la population est estimée à 7 370 habitants. Dans les années trente, Grand-Bassam est la ville de la fête par excellence.
(photo : plan de la ville de Bassam en 1922)
JEUNE HOMME SENOUFO DE KORHOGO DU DÉBUT DU XXème SIÈCLE.
( notons la belle coiffure traditionnelle et les scarifications de l'époque).
PORTRAIT D'UN VIEIL ADMINISTRATEUR