Assassinat de Deida Hydara, correspondant de l'AFP en Gambie
LEMONDE.FR | 17.12.04 | 17h24
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Ce célèbre journaliste gambien, correspondant de Reporter sans frontières, aurait reçu trois balles dans la tête, jeudi 16 décembre peu après minuit, alors qu'il s'apprêtait à rentrer chez lui.
Le correspondant gambien de l'AFP, Deida Hydara, journaliste réputé, a été assassiné à Banjul, dans la nuit du jeudi 16 au vendredi 17 décembre, provoquant la consternation dans les milieux de la presse, qui s'interrogent sur les motifs de cet acte.
La fille de Deida Hydara, interrogée par téléphone depuis Dakar, a déclaré que son père avait été tué peu après minuit alors qu'il ramenait chez eux des membres du personnel du journal The Point et s'apprêtait ensuite à rentrer chez lui.
Selon elle, son père est mort sur le coup.
Pape Saine, copropriétaire avec Deida Hydara de ce journal, et également correspondant à Banjul de l'agence Reuters, a déclaré à l'AFP vendredi matin : "Il a été tué de trois balles dans la tête. Je n'étais pas là, je n'en sais pas plus."
Le directeur de l'antenne de la radio privée sénégalaise Sud FM à Banjul, Pape Diomaye Thiaré, a indiqué pour sa part que deux collaboratrices de Deida Hydara avaient été blessées par balles.
FIGURE DU JOURNALISME GAMBIEN
La présidence gambienne, jointe au téléphone vendredi, n'a pas souhaité faire de commentaire dans l'immédiat. Père de quatre enfants, Deida Hydara, 58 ans, qui avait également travaillé à la radio nationale, faisait figure de doyen des journalistes gambiens.
Il travaillait pour l'AFP depuis 1974 et était l'un des représentants de la profession les plus connus et respectés à Banjul pour son professionnalisme et son engagement en faveur de la liberté de la presse. Il assurait également la correspondance en Gambie de l'ONG de défense de la presse Reporters sans frontières (RSF).
"Nous ignorons qui a fait cela. Il s'agit de personnes non encore identifiées. C'est la consternation dans toute la presse ici", a encore indiqué M. Thiaré. Le corps de Deida Hydara était vendredi au Royal Victoria Hospital.
Le président du syndicat des journalistes gambiens, Demba Ali Diao, a indiqué que son enterrement était prévu dès vendredi à 17 heures (18 heures à Paris), selon la tradition musulmane.
Des obsèques seront également organisées la semaine prochaine pour laisser le temps à l'épouse et aux enfants de Deida Hydara de revenir de Grande-Bretagne.
"Tout le monde est très surpris, pourquoi a-t-on voulu tuer Deida ?", s'est interrogé M. Diao. Cet assassinat intervient trois jours après l'adoption mardi par l'Assemblée nationale gambienne de deux nouvelles lois répressives sur la presse. La première fait de tous les délits de presse des crimes passibles d'un emprisonnement et la deuxième quintuple le montant d'une caution que doivent verser les propriétaires de journaux.
POUR RSF, C'EST UNE "TRAGÉDIE"
"Il a émis beaucoup de critiques à l'encontre du gouvernement et a été très véhément en s'opposant à ces lois répressives mais cela ne signifie pas que lui, plus qu'un autre, devait être la cible des balles d'un assassin", a déclaré M. Diao.
RSF s'est de son côté déclarée "consternée" par la mort de Deida Hydara. "C'est un assassinat qui le ciblait personnellement", a indiqué Léonard Vincent, responsable du secteur Afrique de l'organisation.
Deida Hydara était "l'un des plus anciens correspondants de RSF en Afrique" où il travaillait pour l'organisation depuis 1994, selon M. Vincent, qui a qualifié sa mort de "tragédie". M. Vincent, accompagné du secrétaire général de RSF Robert Ménard, devait partir pour Banjul "dans les plus brefs délais".
RSF avait publié à la veille de ce meurtre un communiqué dans lequel elle s'inquiétait d'"un grave recul pour la liberté d'expression en Afrique" à la suite de l'adoption de la nouvelle législation sur la presse en Gambie.
Avec AFP