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Une folie meurtrière

L'arbre à palabre où tous les problemes se reglent
Andre
Une folie meurtrière

Message par Andre » déc. 05, 04 4:20 pm

  Une folie meurtrière héritée de la guerre civile au Liberia

L’ouest du pays subit, depuis deux ans, la loi des mercenaires et l’irruption des enfants soldats.



Abidjan, envoyé spécial.


La rébellion en Côte d’Ivoire s’est révélée en deux temps. Dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002, la tentative de coup d’État à Abidjan échoue militairement. Mais le mouvement autour duquel s’organise d’abord la révolte qui adoptera par la suite le nom de MPCI (Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire) prend position durablement dans le nord et le centre du pays, en particulier à Bouaké et à Korhogo. En décembre 2002, deux autres mouvements armés, le MPIGO (Mouvement populaire ivoirien du Grand Ouest) et le MJP (Mouvement pour la justice et la paix), font leur apparition dans l’ouest du territoire, s’emparant notamment de la ville de Man, dont ils feront leur fief. En fait, cette apparition coïncidant avec la période d’approche des négociations de Linas-Marcoussis, tout laisse penser qu’il s’agissait là d’un stratagème de la rébellion pour démultiplier ses représentants à la future table ronde voulue par Paris. Trois mouvements vont se faire représenter au lieu d’un seul.


Alors MPIGO et MJP, simples déguisements du MPCI ? Ce n’est pas tout à fait exact, les deux premiers présentant en effet des comportements extrêmes hérités de la guerre civile ayant ensanglanté le Liberia voisin. Ce qui fait dire au ministre des Droits de l’homme ivoirien que la rébellion MPIGO-MJP est « la version caricaturale » du MPCI, point de vue rejoint par un témoin européen qui décrivait ainsi la situation : « Là-bas, ce n’est même plus la guerre civile, c’est une sorte de carnaval sanglant. » Et si des atrocités ont été perpétrées à travers toute la Côte d’Ivoire, zones rebelle et gouvernementale confondues, c’est dans l’ouest du pays qu’elles atteindront un niveau de férocité, dans une « logique ethnique » poussée au rouge, qui n’est pas sans évoquer la tourmente s’étant abattue sur le Rwanda en 1994. Elles ont vu l’irruption massive d’enfants-soldats hallucinés par la drogue et conditionnés pour toutes les horreurs. Celles décrites par l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma dans Allah n’est pas obligé, consacré au Liberia, ou par son homologue congolais Emmanuel Dongala dans son roman Johnny, chien méchant.


Autre caractéristique de ces deux groupes armés : outre le recours massif aux enfants enrôlés de gré ou de force, le fait qu’ils font très largement appel à des mercenaires étrangers : Libériens, mais aussi Libyens et Burkinabés principalement. Dans un premier temps il y aurait eu également nombre de Sierra-Léonais, mais il semble que ceux-ci se seraient en partie neutralisés mutuellement par leur propension à régler leurs conflits d’intérêt à la kalachnikov. Des tueurs professionnels fonctionnant selon le vieil adage « Paie-toi toi-même sur la guerre ». Pillages, massacres, tortures et mutilation des prisonniers - pratique venue tout droit des bandes ayant fait régner la terreur dans le Liberia de Charles Taylor et chez son voisin sierra-léonais - se multiplient à Man, Toulepleu, Facobly, Bangolo ou Duekoué.


« Une grande partie de l’Ouest a été nettoyée courant 2003 », assure le colonel de gendarmerie Georges Guiaibi, reconnaissant toutefois que la zone est loin d’avoir été sécurisée. Il évoque un « récent - accrochage » près de Zuenouala, où une vingtaine de rebelles auraient trouvé la mort : « Sur vingt cadavres,


il n’y avait que deux Ivoiriens. » À ses yeux, « cela a été pire que dans le Nord. Des populations civiles massacrées, surtout les Guérés. Des tueries qui n’ont pu être arrêtées complètement », ajoute l’officier, citant les villes de Duekoué et Bangolo « il y a encore une semaine ».


« Il y a énormément d’enfants-soldats, de vrais gamins, des femmes aussi », poursuit mon interlocuteur. « Les adolescents sont drogués jusqu’aux yeux et couverts d’amulettes pour se rendre invulnérables. Ils avancent et ils tirent. Sans cesse. Arrive le moment où il n’y a plus d’autre possibilité que de leur expédier un obus ou une rafale. Les pertes dans leurs rangs sont énormes, mais sans doute leurs commanditaires ne cherchent-ils même pas à les comptabiliser. » Les populations ont fui et continuent de fuir massivement des régions où l’on tue comme on respire, où tuer est devenu le dernier moyen de gagner sa vie. Une anecdote lugubre : dans certains endroits discrets d’Abidjan, vous pouvez acheter des cassettes venues de zones rebelles et où sont enregistrées des scènes de torture ou de viol. Ce n’est pas la propagande gouvernementale qui le prétend : pour avoir visionné l’exécution rituelle (au couteau) d’un gendarme tombé entre les mains d’un de ces gangs, je peux l’attester.


J. C.