Procès de Laurent Gbagbo: La procureure sous pression (Par F
Publié : févr. 19, 18 1:47 pm
Procès de Laurent Gbagbo: La procureure sous pression (Par Fanny
Pigeaud, Mediapart)
https://eburnienews.net/proces-de-laure ... ed_op#font color="#0000ff">https://eburnienews.net/proces-de-laure ... p#/p#ed_cl#
Le procès de l’ancien président ivoirien et de son
ex- ministre Charles Blé Goudé devant la Cour pénale internationale entre dans
une phase décisive : les juges ont demandé à la procureure, dont tous les
témoins ont été entendus, de mettre à jour son mémoire, semblant presque lui
suggérer de requalifier les charges, voire de les abandonner.
Il y a quelques jours encore, le flou dominait à La Haye, aux Pays-Bas,
où siège la Cour pénale internationale (CPI) : mi-janvier, les trois juges de
la Chambre de première instance, chargée de conduire le procès pour « crimes
contre l’humanité » de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et de son
ex-ministre Charles Blé Goudé, ont suspendu les débats sine die, à l’issue de
l’audition du 82e et dernier témoin de la procureure, Fatou Bensouda, qui
représente l’accusation.
Depuis, chacune des parties attendait que les juges lui communiquent un
calendrier précis, indiquant les délais accordés aux équipes de défense (chacun
des deux accusés a son groupe d’avocats) pour la présentation de leurs témoins
et preuves. Mais le temps passait sans que les magistrats ne se manifestent.
Vendredi 9 février, ils ont finalement rendu une décision qui a surpris tout le
monde par son contenu inhabituel.
https://pagead2.googlesyndication.com/p ... ygoogle.js" async="">
Dans cet arrêt, les juges, qui ont apparemment débattu de la suite à
donner à la procédure, ne donnent pas de date pour la reprise du procès, ouvert
en janvier 2016. En revanche, ils demandent à la procureure de fournir, d’ici
un mois, une mise à jour de son mémoire « à la lumière des témoignages entendus
et des preuves soumises au procès ». Ils précisent que Fatou Bensouda devra
expliquer dans quelle mesure les preuves qu’elle a apportées au cours des deux
années écoulées appuient, selon elle, chacune des charges retenues – Laurent
Gbagbo est accusé d’avoir Conçu avec son entourage un « plan commun » pour
garder le pouvoir et d’être responsable de la mort d’au moins 167 personnes.
La procureure doit être bien embarrassée par la requête des juges : au
fil des mois, les auditions de ses 82 témoins (elle en avait annoncé 138 au
départ) se sont révélées désastreuses pour l’accusation, n’apportant aucun
élément pertinent pour confirmer sa thèse et disculpant même bien souvent les deux
accusés. Les juges semblent d’ailleurs proposer une porte de sortie à Fatou
Bensouda : « Si la procureure a l’intention de retirer une partie ou toutes les
charges (…), elle devra soumettre une demande à la Chambre le plus rapidement
possible », notent-ils.
Les trois magistrats indiquent en outre que la défense aura un mois pour
faire part de ses observations, une fois que le mémoire actualisé de la
procureure sera disponible. Là aussi, la Chambre, présidée par le juge italien
Cuno Tarfusser, fait, entre les lignes, une suggestion : chaque équipe de
défense, écrivent les juges, devra préciser si elle souhaite ou non présenter
une requête pour un « no case to answer »– c’est-à- dire une demande de
non-lieu au motif que la thèse de l’accusation est fragile et les preuves
apportées insuffisantes – ou si elle souhaite présenter des preuves à son tour.
La Chambre paraît vouloir ainsi orienter le procès dans une direction qui
tournerait à l’avantage des accusés.
Au passage, les juges étrillent l’équipe de défense de Laurent Gbagbo.
Ils relèvent « avec préoccupation » que cette dernière a déclaré, au cours des
semaines passées, avoir besoin de onze mois pour établir et fournir à la
Chambre sa liste de témoins. Ce délai est beaucoup trop long, estiment les
magistrats pour qui il est « difficilement conciliable non seulement avec le
principe de la rapidité de la procédure, mais aussi avec la notion globale
d’équité du procès ». Au cours des auditions des témoins de l’accusation, Cuno
Tarfusser a déjà eu à interpeller à plusieurs reprises les avocats de l’ex-
président, leur reprochant de revenir, lors de leurs contre-interrogatoires,
sur des faits déjà abordés et de faire ainsi perdre du temps aux parties –
Laurent Gbagbo ayant été reconnu « indigent », c’est la CPI qui paie les
honoraires de sa défense.
« On est arrivé à un tournant de ce procès, l’heure de vérité approche
», commente une source à la CPI. La décision des juges constitue, en tout cas,
un nouvel épisode inattendu dans cette procédure, qui a été l’objet de
nombreuses manipulations et irrégularités avant même d’avoir été engagée. Et
pour cause : comme l’a montré Mediapart, le dossier contre l’ancien président
ivoirien est le fruit d’un montage politique, ayant impliqué, dès 2010, le
procureur de la CPI de l’époque, Luis Moreno Ocampo, les autorités françaises
et l’actuel chef de l’État ivoirien, Alassane Ouattara. C’est ce qui, en avril
2011, avait conduit Luis Moreno Ocampo à demander aux nouvelles autorités
ivoiriennes de garder prisonnier Laurent Gbagbo alors qu’il n’avait aucune base
légale pour agir de la sorte.
Pigeaud, Mediapart)
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Le procès de l’ancien président ivoirien et de son
ex- ministre Charles Blé Goudé devant la Cour pénale internationale entre dans
une phase décisive : les juges ont demandé à la procureure, dont tous les
témoins ont été entendus, de mettre à jour son mémoire, semblant presque lui
suggérer de requalifier les charges, voire de les abandonner.
Il y a quelques jours encore, le flou dominait à La Haye, aux Pays-Bas,
où siège la Cour pénale internationale (CPI) : mi-janvier, les trois juges de
la Chambre de première instance, chargée de conduire le procès pour « crimes
contre l’humanité » de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et de son
ex-ministre Charles Blé Goudé, ont suspendu les débats sine die, à l’issue de
l’audition du 82e et dernier témoin de la procureure, Fatou Bensouda, qui
représente l’accusation.
Depuis, chacune des parties attendait que les juges lui communiquent un
calendrier précis, indiquant les délais accordés aux équipes de défense (chacun
des deux accusés a son groupe d’avocats) pour la présentation de leurs témoins
et preuves. Mais le temps passait sans que les magistrats ne se manifestent.
Vendredi 9 février, ils ont finalement rendu une décision qui a surpris tout le
monde par son contenu inhabituel.
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Dans cet arrêt, les juges, qui ont apparemment débattu de la suite à
donner à la procédure, ne donnent pas de date pour la reprise du procès, ouvert
en janvier 2016. En revanche, ils demandent à la procureure de fournir, d’ici
un mois, une mise à jour de son mémoire « à la lumière des témoignages entendus
et des preuves soumises au procès ». Ils précisent que Fatou Bensouda devra
expliquer dans quelle mesure les preuves qu’elle a apportées au cours des deux
années écoulées appuient, selon elle, chacune des charges retenues – Laurent
Gbagbo est accusé d’avoir Conçu avec son entourage un « plan commun » pour
garder le pouvoir et d’être responsable de la mort d’au moins 167 personnes.
La procureure doit être bien embarrassée par la requête des juges : au
fil des mois, les auditions de ses 82 témoins (elle en avait annoncé 138 au
départ) se sont révélées désastreuses pour l’accusation, n’apportant aucun
élément pertinent pour confirmer sa thèse et disculpant même bien souvent les deux
accusés. Les juges semblent d’ailleurs proposer une porte de sortie à Fatou
Bensouda : « Si la procureure a l’intention de retirer une partie ou toutes les
charges (…), elle devra soumettre une demande à la Chambre le plus rapidement
possible », notent-ils.
Les trois magistrats indiquent en outre que la défense aura un mois pour
faire part de ses observations, une fois que le mémoire actualisé de la
procureure sera disponible. Là aussi, la Chambre, présidée par le juge italien
Cuno Tarfusser, fait, entre les lignes, une suggestion : chaque équipe de
défense, écrivent les juges, devra préciser si elle souhaite ou non présenter
une requête pour un « no case to answer »– c’est-à- dire une demande de
non-lieu au motif que la thèse de l’accusation est fragile et les preuves
apportées insuffisantes – ou si elle souhaite présenter des preuves à son tour.
La Chambre paraît vouloir ainsi orienter le procès dans une direction qui
tournerait à l’avantage des accusés.
Au passage, les juges étrillent l’équipe de défense de Laurent Gbagbo.
Ils relèvent « avec préoccupation » que cette dernière a déclaré, au cours des
semaines passées, avoir besoin de onze mois pour établir et fournir à la
Chambre sa liste de témoins. Ce délai est beaucoup trop long, estiment les
magistrats pour qui il est « difficilement conciliable non seulement avec le
principe de la rapidité de la procédure, mais aussi avec la notion globale
d’équité du procès ». Au cours des auditions des témoins de l’accusation, Cuno
Tarfusser a déjà eu à interpeller à plusieurs reprises les avocats de l’ex-
président, leur reprochant de revenir, lors de leurs contre-interrogatoires,
sur des faits déjà abordés et de faire ainsi perdre du temps aux parties –
Laurent Gbagbo ayant été reconnu « indigent », c’est la CPI qui paie les
honoraires de sa défense.
« On est arrivé à un tournant de ce procès, l’heure de vérité approche
», commente une source à la CPI. La décision des juges constitue, en tout cas,
un nouvel épisode inattendu dans cette procédure, qui a été l’objet de
nombreuses manipulations et irrégularités avant même d’avoir été engagée. Et
pour cause : comme l’a montré Mediapart, le dossier contre l’ancien président
ivoirien est le fruit d’un montage politique, ayant impliqué, dès 2010, le
procureur de la CPI de l’époque, Luis Moreno Ocampo, les autorités françaises
et l’actuel chef de l’État ivoirien, Alassane Ouattara. C’est ce qui, en avril
2011, avait conduit Luis Moreno Ocampo à demander aux nouvelles autorités
ivoiriennes de garder prisonnier Laurent Gbagbo alors qu’il n’avait aucune base
légale pour agir de la sorte.